lundi 16 mars 2009

La ravine - Sergueï Essenine

Auteur d'une oeuvre aussi fulgurante qu'abondante, Sergueï Essenine (1895-1915) fut un poète maudit. Avec son visage d'ange, ses poses de paysan ou de dandy, ses beuveries, ses aventures amoureuses où se mêlent le mariage (dont un avec Isadora Duncan, la danseuse aux pieds nus) et ses passions homosexuelles, il eut une existence frénétique qui s'acheva sur un suicide, à l'âge de 30 ans. Supérieurement indocile, épris d'absolu, homme des partances et de la fièvre des haltes intensément vécues, la poésie d'Essenine - L'Homme noir (Circé, 2005), et le Journal d'un poète (La Différence, 2004) - irradie de vie exultante et d'un lyrisme sensoriel où s'enchaînent élans expressionnistes, mysticisme et nihilisme. Une façon de respirer le monde, de faire surgir la réalité, d'accélérer la perception, de dramatiser l'émotion, dont témoigne La Ravine, un texte en prose, écrit à 18 ans, et aujourd'hui présenté dans sa première traduction française.La Ravine est un village ressemblant beaucoup à celui dans lequel Essenine vécut en sauvageon jusqu'à l'adolescence. Un village de la Grande-Russie traditionnelle, un pays d'eau, de bouleaux et de merisiers, d'isbas et de loups, de popes et de samovar. Une Russie à la fois païenne et chrétienne, imprégnée de forces primitives et rituelles. La vie y est rude, l'épique y côtoie le grotesque, et l'odeur du chou celle des blinis. L'ivresse y est une façon de résister au néant, au froid, à la solitude. C'est cette " réalité rugueuse ", qu'en rimbaldien, Essenine étreint. Nourri de contes, de récits populaires, de romances, son texte en orchestre les thèmes et les motifs : l'amour malheureux, le départ, l'adieu au monde... La geste des travaux, les drames, le mal comme l'innocence primitive, c'est l'émotion mariée à l'insolence métaphysique que chante ici, un Essenine qui bientôt partira à la ville mais ne cessera jamais de chanter sa nostalgie de la Russie des bois. " Je suis ton seul chantre, j'ai nourri/ La tristesse de mes vers bestiaux/ Avec de la menthe et du réséda ".
Editions Harpo &

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire