Au crépuscule du 24 décembre 1534, pendant que dans les familles parisiennes on s’apprêtait à fêter Noël, on pendait place Maubert un homme suspecté d’hérésie dont on brûlait ensuite le corps et les livres : Antoine Augereau, imprimeur, éditeur et graveur de caractères typographiques. Il était accusé d’être l’auteur des Placards contre la messe. Antoine Augereau était une de ces personnalités à l’autorité naturelle qu’on remarque non pas parce qu’elles veulent se faire remarquer, mais parce qu’elles dépassent du moule commun. C’était un homme de lettres, un érudit, probablement un théologien. Il savait non seulement le latin comme tout un chacun, mais aussi le grec, qu’il écrivait, gravait et publiait. C’était un grand imprimeur, et il a sans doute été un grand pédagogue. Il a créé et transmis les caractères typographiques qui ont – directement ou indirectement – modelé ceux dont nous nous servons encore de nos jours. Il était l’imprimeur (c’est-à-dire l’éditeur) de Marguerite de Navarre, la sœur du roi François Ier. Les accusations qui lui ont valu d’être condamné étaient infondées, et Antoine Augereau n’était qu’un bouc émissaire. Comment en était-on arrivé là ? Son histoire est racontée par le plus célèbre de ses apprentis, Claude Garamond (qui, dans un même mouvement, raconte aussi la sienne propre). Il relate la naissance d’Antoine Augereau dans un milieu où se côtoient artisans et quelques-uns des intellectuels les plus brillants des débuts de la Renaissance française, qu’il s’agisse de droit, de médecine ou de mathématiques, son enfance à Fontenay-le-Comte à l’ombre du couvent où a vécu François Rabelais, son apprentissage à Poitiers, son immersion dans le milieu le plus érudit du Paris de son temps, ses discussions avec Geoffroy Tory, Robert Estienne, Clément Marot, avec lesquels il inventera l’usage des accents et de la cédille, ses premiers contacts avec la pensée des humanistes et avec celle de la Réforme naissante. Et enfin, son édition du Miroir de l’âme pécheresse, écrit par la sœur du roi de France, dont les théologiens de la Sorbonne désapprouvent la pensée ; comme la Sorbonne, gardienne jalouse d’une orthodoxie qu’elle voudrait figée et sans faille, ne peut pas condamner la sœur du roi, c’est Augereau qui paiera pour elle. Mais Le maître de Garamond est aussi autre chose : c’est un voyage aux sources de la typographie, de l’imprimerie et de l’édition modernes. C’est le grouillement de la Grand-Rue Saint-Jacques du temps où elle abritait plusieurs imprimeurs par maison. C’est la pensée la plus moderne en train de se forger, une pensée humaniste, loin de tout fanatisme, ouverte, généreuse, qui rêve d’universalité : des hommes et des femmes lui sont à tel point attachés qu’ils sont prêts à mourir pour la défendre. À Antoine Augereau, elle coûtera la vie.
Journaliste à la Télévision Suisse Romande (TSR), Anne Cuneo est née à Paris en 1936, mais elle a effectué ses études secondaires et universitaires à Lausanne. Aujourd’hui, elle partage sa vie entre Genève et Zurich.
Auteur d’une quinzaine d’ouvrages à ce jour, l’écrivain a vendu plus de 120 000 exemplaires de Le Trajet d’une Rivière (Prix des Libraires et Prix littéraire «Madame Europe» 1995). A noter que Mortelle maladie (1969), un des livres les plus personnels d’Anne Cuneo, est récemment sorti en édition de poche (Bernard Campiche Editeur)
Editions Bernard Campiche
Journaliste à la Télévision Suisse Romande (TSR), Anne Cuneo est née à Paris en 1936, mais elle a effectué ses études secondaires et universitaires à Lausanne. Aujourd’hui, elle partage sa vie entre Genève et Zurich.
Auteur d’une quinzaine d’ouvrages à ce jour, l’écrivain a vendu plus de 120 000 exemplaires de Le Trajet d’une Rivière (Prix des Libraires et Prix littéraire «Madame Europe» 1995). A noter que Mortelle maladie (1969), un des livres les plus personnels d’Anne Cuneo, est récemment sorti en édition de poche (Bernard Campiche Editeur)
Editions Bernard Campiche
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